jeudi 30 septembre 2010

L'étrangère

Chapitre 1 : Déracinement

Marina Skozy est venue des dizaines de fois visiter ce lieu. C'était le seul qui semblait convenir, le seul qui lui semblait possible pour s'installer, construire sa demeure.

"Ma dernière demeure" soupirait-elle !

Marina Skozy n'est pas d'ici, ce n'est pas son pays, ce n'est pas sa terre, ni celle de ses ancêtres.
Marina Skozy est une étrangère, elle n'est pas d'ici, mais de là bas non plus. Non plus, se dit-elle
Marina Skozy pense qu'elle est à présent de nulle part. Alors ici ou ailleurs !


Ici, elle connait, un peu, elle sait qu'elle n'aime pas cet ici... Ici il n'y a pas de terre, pas d'arbres, pas de forêts, pas de lac, pas de vert... "C'est aussi sec que le coeur des gens"...

Elle n'aime pas cet endroit. Pourtant c'est ici qu'elle est arrivée il y a presque une dizaine d'années, bon gré mal gré, plutôt malgré elle. Mais il fallait aller quelque part, pour trouver un peu de paix, un peu de calme
Erreur !
Fatal error rit-elle !
Ici ou ailleurs


Elle s'est interrogée maintes et maintes fois sur l'opportunité d'aller ailleurs, de recommencer ailleurs, après tout, elle n'était pas à un ailleurs près. Un de plus
Marina Skozy a cet avantage, ceux des gens de partout et de nulle part, surtout de nulle part, ils sont partout ailleurs et nulle part chez eux.
Avantage ! Ils peuvent partir sans regret, car nulle attache dans cet ici et maintenant.
Une liberté chère et chère, qui n'a pas de prix, mais qui pourtant semble hors de prix, parfois hors de portée
Hors de portée, car dé portée sans cesse

Mais la vie n'est qu'un passage, le plus bref possible, songe t-elle encore
Marina Skozy ne croit en rien, parfois elle ne croit même plus en elle même... Elle s'est autorisée cette liberté là, celle de ne pas croire, d'être libre de ne croire en rien, d'aller et venir, de partir et surtout de ne pas revenir
Pourtant quand la nostalgie la gagne, les larmes coulent, elle pense à son pays, à sa terre,
Pas de terre ici.. Ou juste une mauvaise terre, pour y bâtir sa maison
Une mauvaise terre, hors de prix, mais tout ce qu'elle peut se payer
C'est la mort dans l'âme qu'elle fait bâtir sa demeure sur cette terre étangère, elle l'étangère dans ce pays...
Bâtir, construire, élever, demeurer, rester.
Rester !
Elle a peur Marina Skozy, peut en effet que cette maison soit son ultime demeure, que l'achat de ce bout de mauvais terre l'accroche définitivement à ce lieu maudit..
Peur de ne pouvoir en partir, quitter, pour un autre ailleurs, un ailleurs meilleur, puisque ce sera ailleurs, pas ici !


Peur de ne plus pouvoir rêver à ce qui restera alors un rêve, pour toujours rentrer chez elle...
De retour il n'y aurait plus de possible ?
Plus d'ailleurs possible
Cette pensée la fait frèmir, bondir, elle en a la chair de poule, elle ne veut pas de ce possible là, impossible !
Enchainée, enracinée, prisonnière de ce carré de mauvaise terre, où elle vieillira seule, moura aussi, loin des siens, qui partiront, car étrangers, ils sont aussi mal aimés
Mal aimé"
Mais qui peut aimer ici, où ne règne que le mensonge, la haine, l'envie, la jalousie, la curiosité, la méchanceté?
Qui peut aimer cet endroit rempli de malèfices...
Cet endroit où il n'y a nulle place pour l'étranger, nulle place pour elle,
Elle le sait, cela lui a été dit, redit et dit encore, pour qu'elle comprenne bien, que personne ne veut d'elle ici
Dans cet ici elle n'a rien à faire
Pourtant c'est dans cet ici qu'elle a acheté ce bout de mauvaise terre, pour construire sa demeure et celle de sa famille car tout compte fait, elle sait qu'elle n'a nulle part d'autre à aller, que l'ailleurs n'est plus qu'un rêve, mais pour l'instant et c'est ce qui la fait tenir
Car elle est fatiguée, elle est lasse Marina Skozy, elle n'en peut plus de ces combats, de ces luttes. Elle voudrait déposer les armes, un instant, rien qu'un instant
Alors elle regarde ce coin de mauvaise terre, aux quatre vents, au bas d'une colline et au sommet d'une autre, se dit qu'elle aura une belle vue, sur cette ville qu'elle n'aime pas, mais qu'elle domine...
Elle se dit que peut-être ?
De toutes façons elle n'avait pas d'autre choix que celui là......

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