dimanche 21 novembre 2010

Les derniers jours d'Eva Korb 2

Chapitre 2 : A la maison


Eva korb pleure tout le long du chemin, les larmes coulent, difficilement, mais elle pleure, ça fait du bien, elle pleure sur elle même, sur sa solitude.

Eva Korb ne manquera à personne, peut-être même pas à son chat...

Elle a hâte de rentrer chez elle, de retrouver sa maison, elle ne l'a jamais aimé aussi fort, il lui semble que ces quelques pièces sont un hâvre de paix, une sorte de cocon où elle sera bien, en sécurité. Pour combien de temps ? Mais qu'importe !

Eva Korb a envie de s'y enfermer, de fermer portes et volets, de se cloitrer dans cet intérieur, dans ce monde clos qui est le sien, sa dernière demeure !
Elle frisonne.

Sa maison...Enfin, jamais le temps ne lui a semblé aussi long, elle à tellement hâte !
Enfin ! Elle est arrivée. Il est plus de quatorze heures !
Elle n'a même pas faim, elle nourrit son chat, le prend dans ses bras, et pleure
Eva Korb va mourir

Alors elle essaie de mettre ses idées en ordre, se demande si elle a peur, vraiment peur, et peur de quoi ?
Rapidement elle fait le tour de sa vie, de ce qu'elle a fait, de ce qu'elle fait
Jusqu'ici la mort ne lui faisait pas peur, pas spécialement, elle déclarait même crânement que la mort ne lui faisait pas peur, elle l'a toujours considéré comme une délivrance, une sorte de end game...Où elle serait enfin en paix !

Eva Korb n'est pas croyante, elle a pourtant essayé, mais rien n'y fait, trop complexe, trop contraignant pour elle
Elle s'est promené à travers les religions, tenté de retrouver celle de son origine, de son peuple, en vain !
Eva Korb ne croit en rien ni en dieu, au pluriel ou au singulier, ni au diable avec ou sans s
Elle ne croit pas plus en la vie et en la mort, n'explique rien par les miracles et considère que la science a bien des limites.
Eva Korb pense qu'après la vie il y a la mort et que la mort est un vaste continent vide, où il n'y a rien.
Une sorte de vide. Une fois la vie partie, le corps s'en va. Une âme ? Ce mot complexe lui pose cependant question. Eva Korb a une âme, un esprit, une sorte d'inconscient qui devient conscient parfois.. Mais que l'âme survive ?
Elle espère bien que non, cette idée de cycle, de réincarnation infernale la terrifie, un puit sans fond...Sans issue
Une condamnation à perpétuité.. Eva Kork est terrifiée à cette pensée !
Eva Korb pense qu’après la vie il y a la mort, et qu’après la mort il n’y a rien. Il n’y a donc pas d’après.
Cette pensée la console, la conforte un peu. Si peu, aujourd’hui.
Elle prend son chat et pleure...
Elle n'a envie de rien..
Toutes ces considérations métaphysiques ne la réconfortent pas. Elle regarde par la fenêtre, son jardin et pense soudain qu'elle ne verra pas revenir les beaux jours, refleurir ses fleurs....
Eva Korb n'est pas triste, elle n'arrive même pas à être en colère...

Quelques jours plus tôt lors d'un léger malaise, elle s'était dit qu'il fallait quand même qu'elle écoute un peu plus son corps, qu'elle change de vie, qu'elle prenne un peu plus soin d'elle, qu'elle surveille...
Mais aujourd’hui à quoi bon ?
Pourtant Eva Korb n'a jamais fait d'excés, sa vie est d'une banalité et d'une platitude exemplaire. Rien d'exceptionnel, d'original. Une vie, une vie comme toutes les autres. Mais que sait-elle de la vie des autres ?

Elle efface les messages laissés sur le répondeur, elle n'a pas envie d'entendre quoi que ce soit.
Eva Korb a froid, un de ces froids de l’intérieur qui saisit le corps, le cœur et l’âme. Elle prépare un café, bien chaud, pour se réchauffer, pour réchauffer l’étincelle de vie qui est encore en elle.
Elle s'isole. Ne veut pas parler, dire, mentir, faire semblant ou pire dire ! Et dire quoi .
« Je vais mourir ? »
Eva Korb ne veut ni de pitié, ni de compassion, ni de regrets, elle n'a pas envie de voir la tristesse et la gène dans le regard des autres
Aprés tout, sa mort est comme sa vie, ça ne regarde qu'elle !
Alors lentement elle retire son trench, prend son téléphone et compose le numéro du cabinet de radiologie... Elle obtient un rendez vous pour la semaine prochaine... Rapide ! Elle n'en revient pas.
Elle pose sur son bureau, l'ordonnance, la lettre pour le spécialiste. Le téléphone, elle n'appelle pas le service spécialisé, ne prend pas de rendez vous. Elle ne peut pas.
Pas encore.
Elle attend ? Quoi ? Eva Korb ne sait pas.
Lentement elle se déchausse, elle se déshabille et enfile un pyjama douillet. Elle a besoin de chaleur. Encore !
Eva Korb ferme la porte, les volets, débranche le téléphone,.
Elle a besoin de l’obscurité, du noir de la nuit en plein jour qui l’enveloppe, la protège, la met à l’écart. Une sorte d'abri, où nul ni rien ne pourra l'atteindre.
Elle a besoin de cet espace, de cette parenthèse, de ce no man’s land.
Une sorte d’isolement, de retrait, de retrait, se mettre un instant au dehors. A l’extérieur de la vie, tout en restant confinée à l’intérieur. Dans son intérieur à elle..
Eva Korb se construit des remparts, une sorte de cocon secret dont elle seule a la clé, seulement elle. Elle n’ouvrira peut-être plus ?

Eva Korb prend son chat, et va se coucher, elle se glisse sous la couette, recroquevillée, pour se réchauffer, non qu'il fasse froid dans sa chambre, mais son corps à froid, son corps tremble, un froid glacial au plus profond de son être, au plus intime de son âme
Eva Korb s'endort. Pour ne plus penser.

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