samedi 27 novembre 2010

L'étrangère 11

Chapitre : L'étangère 11

-« Mais elle se fiche de moi ! tu te rends compte, tu as entendu ! »
-« Qu'est ce que tu racontes ? C'est peut-être vrai, elle n'entend rien, il n'y a que toi pour te faire de telles idées »

Des idées ! Marina Skozy ne se fait aucune idée ! Des faits, seulement des faits, qu'elle essaie de comprendre, d'interpréter, car c'est pour le moins curieux, insolite

-« Tu ne vas quand même pas me dire qu'une voiture qui tous les jours je suppose se préte à ce manège ce n'est pas bizarre ? »

Marina Skozy essaie de mettre en scène un scénario possible, sans que quoi que ce soit paraisse possible, plausible, cohérent !
Décidément la vie des autres renferme mystère et surprise !

Pourtant bien décidée à éclaircir cette affaire, elle se résout à sortir de sa maison, à aller voir, explorer ce quartier qu'au fond elle ne connait pas vraiment. Elle ne sait même pas qui se trouve dans les rues voisines.
Elle n'y est jamais allée, même pas en voiture.

Alors elle s'habille... Cette sortie n'est pas facile. Non, elle n'aime pas être vue. Cela ne la dérange pas de sortir dans la ville, d'aller et venir, mais pas à l'endroit où elle vit. Elle ne sait pas trop pourquoi, mais elle traine cette peur là, depuis toujours, elle refuse qu'on sache qui elle est, qu'elle vit là. Une sorte de peur d'être reconnue.
Re connue, encore faut il être connue ?

Elle sourit, Marina Skozy n'est pas connue ici, elle le sait, alors pourquoi ? C'est grotesque !
Etrangère elle est ! Et veut le rester, sans nul doute.
Cette étrangeté là la protège du tout venant, de l'autre ordinaire, du regard de cet autre là, qui l'enveloppe et la terrifie !
C'est cela !
Le noeud ! la terreur, la peur. Ce dehors étranger, sortir de son cocon protecteur. C’est ça sûrement qui l’effraie. Mais peut-être pas, c’est sûrement plus complexe que ça.

Marina Skozy remet alors à plus tard ce projet, qui se dit-elle ne lui apportera aucune véritable réponse.
Les jours et les nuits passent, sans que rien ne se passe, dehors…Elle reste là chez elle, vaque à ses occupations, pense, rêve, reste seule parfois devant ses murs blancs, à regarder les quelques passants qui vont et viennent. Prisonnière volontaire de cette maison ?
Une maison sur cette mauvaise terre, mais une maison qu’elle semble aimer. Cette maison l’aime t-elle ?

Les autres ?
Marina Skozy a tenté à de multiples reprises de nouer des liens, de les rencontrer, d’aller vers eux. En vain ! Un milieu provincial étriqué où tout le monde se connaît depuis des générations, des liens qui se donnent en héritage, des liens génétiques presque, héréditaires.
Dans ce monde là, il n’y a pas de place pour l’autre autre, l’étranger, qu’il soit du village voisin ou de l’autre bout du monde !
On s’exclame de l’exotisme de la ville d’Afrique avec laquelle cette minable ville est jumelée. Mais juste lors des échanges… Pas plus, sûrement pas plus !
On ne veut pas de l’autre, de celui qu’on fait autre, puisqu’il est d’ailleurs, un ailleurs qu’on ne connaît pas. Mais un ailleurs improbable, un autre qui vient prendre forcément quelque chose dans cet ici que ceux qui ne sont pas eux, d’ailleurs, n’auront pas alors.
Un autre qui leur nuit. Qui leur vole, qui leur prend !
Un autre dangereux, un ennemi, potentiel, éventuel.
Un autre qu’il convient d’éliminer, de décourager, pour l’amener à partir… Encore

Marina Skozy a vite compris le message ! Pas vraiment de gants pour le lui faire passer ! "Vous n’avez rien à faire ici, pas de place, toutes les places sont prises ! Et s’il en reste, elles ne sont pas pour vous, mais pour les enfants de ce pays
Partez ! "

Lorsqu’elle travaillait encore elle a bien essayé de s’insérer, d’offrir ses compétences son savoir. Mais nul n’en n’avait besoin !
Qui était donc cette femme étrangère, au nom et à l’accent pas d’ici ! Qui voulait, qui prétendait à une place ? A un savoir ? A exister ? A une vie ?
Marina Skozy en a souffert peut-être ? Elle se dit que c’est plus complexe que ça. Une vie qui s’achevait un peu avant l’heure, elle avait encore tant et tant de choses à apprendre, à donner, à vivre !
Mais de tout cela, Marina Skozy ne parle pas. Jamais
De tout cela Marina Skozy ne dit mot
Marina Skozy a élevé un mur de silence.
Un mur blanc, comme celui de sa maison.
Il lui reste pourtant tant à donner, à vivre !
Vivre…
Quelle idée aussi de s’enfermer dans un tel carcan. Une sorte de suicide, car consciente et responsable, et puis cet «à quoi bon » qui finalement a eu raison de son ambition, de sa volonté, de son désir de son en vie…
En vie !
Marina Skozy est en vie, mais n’a plus vraiment envie…
C’est là, le nœud, comme éteinte, comme si la flamme, celle qui contre vents et marées l’a maintenue hors de l’eau, l’a fait vivre survivre dans cet univers soit disant hostile… Comme si cette flamme était mise en veilleuse… Pas vraiment éteinte, mais chancelante.
Marina Skozy parfois écoute un morceau de musique de son pays, ferme les yeux et pense à cet avant où elle ‘était quelqu’un. Se dit que si… Elle avait pu su fermer un peu plus les yeux alors, elle les aurait grand ouverts aujourd’hui ? Qui sait ?
Quand elle LES voit parfois à la télévision… Elle se dit qu’elle aussi elle aurait sûrement eu sa place au soleil, et pas sous le soleil noir de la répression… Pourtant ?
Marina Skozy ne sait pas si elle n’a pas su saisir sa chance, si elle n’a pas su négocier le virage, ce virage auquel elle ne s’attendait pas vraiment. Qui ne lui a apporté ni le bonheur, ni l’espoir.
Espoir ? Ce mot n’a pas vraiment de sens, et n’a jamais vraiment fait partie de son vocabulaire.

Alors cette vie des autres, cette voiture qui passe, qui s’arrête, lui donne de l’en vie, rallume un peu cette étincelle de vie qui sommeille au plus profond de son être.
Marina Skozy se sent renaître un peu.. Retrouve ses vieux réflexes, endormis eux aussi, a envie de savoir, de savoir qui. Qui et Pourquoi ?
Mais pour quoi ? Et pour qui ?
Qui cela interresse t-il ?
Elle sourit, rit, s’esclaffe… Réminiscence d’un passé pas enfoui , pas en fuite, mais bien présent
La vie des autres est garante de la sienne.
La vie des autres est garante de sa, non de LA sécurité, la sienne ne vaut rien, ne sert à rien…

1 commentaire:

persona non gratta a dit…

Voici un lien d'un blog que j'aime à lire, je te conseille de commencer par les messages les plus anciens car ils contiennent des extraits de son livre à bientôt
jeando

http://braconnages.blogspot.com/

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