samedi 30 octobre 2010

L'étrangère 8

Chapitre 8 : Aménagement

Ca y est ce soir est le bon, le dernier dans l'ancienne demeure et le premier dans la nouvelle
Marina Skozy a préparé le diner pour sa famille, préparé les affaires, car cette nuit ils ne la passeront pas ici, mais là bas

Là bas, dans la nouvelle maison, dans le nouveau quartier !

Son mari a déménagé l'essentiel pour qu'ils puissent au moins camper!
Camper ! Encore et toujours, déposer son sac, sans trop le déballer, car bientôt il faudra le refaire, pour repartir.
Repartir encore. Où ?



Partir et repartir, sans jamais vraiment s'installer, c'est un peu l'histoire de sa vie..
Marina Skozy soupire, pense, rêve aussi
Elle pense à ces maisons, ces appartements dont elle ne se souvient presque plus, ou à peine, de ces endroits où parfois elle n'a passé que quelques mois
Marina Skozy songe à tous ces cartons, dont certains n'ont jamais été ouverts..D'autres égarés, de ces affaires, vétements, objets.... Encombrants vestiges d'un passé dépassé.

Mais cette fois devrait être la bonne, et le sac devrait être défait
A condition que...

Mais cela Marina Skozy le sait, n'est jamais définitif, elle a ce besoin ancré en elle, du jamais définitif, quand elle arrive quelque part, la première idée qui vient à son esprit, est "comment je vais en partir"
Depuis toujours, elle cherche une issue, des issues, car jamais rien ne doit l'enfermer, l'empêcher d'aller, de venir. Au gré du vent, au gré de ses envies, au gré de ses peurs surtout
Elle doit, elle a besoin de savoir qu'il y a une issue de secours, une espèce de plan B qui au cas où
Marina Skozy est toujours dans le départ, elle ne s'installe jamais vraiment quelque part.
Son quelque part, c'est nulle part.

C'est l'hiver ici, la nuit sera tombée lorsqu'ils arriveront dans cette nouvelle maison
Tant mieux, se dit Marina Skozy, je ne verrai personne, et personne ne nous verra...
Elle ne veut pas qu'on la voit, comme si ? Mais comme si quoi ?
Marina Skozy ne veut pas qu'on la voit, qu'on la devine, ne veut pas qu'on sache qu'elle existe, parfois elle voudrait être minuscule, transparente..
Une étrange étrangeté l'envahit, Marina Skozy ne sait pas bien, ne comprend pas bien, mais elle sait qu'il en va de sa vie, de sa vie intérieure... Elle ne veut pas perdre cette vie là, c'est la seule qui lui reste
Marina Skozy sait qu'elle n'est plus que ça, qu'elle est ça, et ce n'est pas rien.
Mais nul autre qu'elle ne le sait.


Elle craint plus que tout cet aménagement, ce déballage de meubles, d'affaires, de ses affaires, de ses biens, de ce qu'elle posséde, devant les autres, devant les voisins spectateurs de son arrivée ou de son départ
C'est vraiment se mettre à nu devant eux songe t-elle, c'est offrir sa vie en désordre, tout ce qu'il y a de plus intime et de plus trivial, son lit, son matelas, ses valises et ses cartons.
Elle déteste ces instants..
Elle déteste se montrer en spectacle, se montrer à voir, se montrer à être regarder.


Et puis il y a cette femme, ces autres là, curieux qui seront là, dans l'ombre à observer, à regarder...!
Marina Skozy déteste être sous les feux de la rampe. Non qu'elle soit discrète, mais c'est cette étangeté, cette différence, qui fait que...

La nuit est tombée, il faudra attendre demain pour vider le coffre. Sortir ces affaires !
Marina Skozy entre dans cette nouvelle maison qui sera sienne pour ? Elle ne sait !
Tout est blanc, les cartons sont là un peu partout dans la grande salle, elle ne sait plus très bien où elle est, où sont ses affaires
Le lit est prés, le matelas posé à même le sol, la cuisine n'a même pas d'évier, le robinet n'est pas posé, rien n'est installé ! Pas de canapé, pas de fauteuil, le déménagement n'est pas achevé. Il faudra retourner là bas, dans l'ancienne maison qui devient à présent l'autre, l'ancienne !
Cette pensée ne lui plait pas !
Elle est comme ça Marina Skozy, effrayée d'abord par le départ, puis quand elle est partie, elle ne veut plus revenir
Marina Skozy aimerait tirer un trait sur l'ancienne demeure, l'ancienne vie, elle se dit qu'elle n'y était pas bien, qu'elle y a été même très malheureuse, qu'elle y a perdu des êtres chers, qu'elle a failli y mourir !
Marina Skozy aimerait rayer d'un seul coup d'un seul, l'avant, le reste, annuler, ne plus voir, ne plus se souvenir.
Comme si cet avant n'avait jamais existé !

Marina Skozy n'aime pas le passé, le passé colle, il ne faut pas s'y laisser engluer, se laisser emprisonné par ce carcan, cette cuirasse, ces souvenirs....
Pas de passé, rien que l'avenir, pas de présent..
C'est ici chez elle, à présent, elle aime cette nouvelle maison, se dit qu'elle va tout recommencer

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